A propos du recueil Confidences de l'eau
- Prix biennal de poésie Maurice Carême 2017
Article
Fondation Maurice Carême
- Prix biennal de poésie Maurice Carême 2017
Article
Fondation Maurice Carême
- Critiques
Pierre Warrant, Confidences de l’eau,
Tu es perdu
ce qui encombre
ne sert pas
il n’est de pur
que ce que tu es
ou pourrais être
écrivait Pierre Warrant dans Altitudes.
Humain perdu, voie ouverte, « l’heure est venue / de vivre ».
Pierre Warrant, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12€.
Voici un second recueil où l’intime décantation se poursuit près des horizons marins, des canaux et des fontaines, et sous la pluie – « sur chaque goutte / le ciel de sa promesse ». Une cinquantaine de poèmes en trois mouvements : élan des bords de mer – reflux laissant la mer enfouie – quête d’un chemin d’eau.« De la mer // on ne peut rien dire » ; c’est elle qui « a tout à nous dire ». Une voix non localisable écoute, et fait glisser quelques mots simples. Éléments, sentiments, situations et paysages se répondent. Le temps déborde la succession des instants et les lieux sont poreux. Les secrets sont en attente, « tout est accessible / retenant sa réponse / depuis toujours », dans la circulation de volutes familières :
et toujours
ce léger tremblement
ce murmure du temps
qui inlassablement
nous relie à la courbe des vagues.
Confidences de l’eau ou rêves du poète ? La question amènera peut-être à pressentir que révélation et désir ne relèvent pas d’ordres fondamentalement différents : quand « on prend le risque de grandir », notre aspiration est déjà connaissance.
Silence de l’eau
parcelle de l’univers
à l’insu de lui-même
un mot se prononce
être au monde
Comme le précédent, ce livre a inspiré un spectacle mêlant poésie, photographie et musique. Explorateur et passeur, Pierre Warrant nous invite dans l’espace des espaces, « là où respirent les naissances ».
Philippe Habans
Revue Recours au Poème
Avril 2018
Pierre Warrant, Confidences de l’eau,
Tu es perdu
ce qui encombre
ne sert pas
il n’est de pur
que ce que tu es
ou pourrais être
écrivait Pierre Warrant dans Altitudes.
Humain perdu, voie ouverte, « l’heure est venue / de vivre ».
Pierre Warrant, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12€.
Voici un second recueil où l’intime décantation se poursuit près des horizons marins, des canaux et des fontaines, et sous la pluie – « sur chaque goutte / le ciel de sa promesse ». Une cinquantaine de poèmes en trois mouvements : élan des bords de mer – reflux laissant la mer enfouie – quête d’un chemin d’eau.« De la mer // on ne peut rien dire » ; c’est elle qui « a tout à nous dire ». Une voix non localisable écoute, et fait glisser quelques mots simples. Éléments, sentiments, situations et paysages se répondent. Le temps déborde la succession des instants et les lieux sont poreux. Les secrets sont en attente, « tout est accessible / retenant sa réponse / depuis toujours », dans la circulation de volutes familières :
et toujours
ce léger tremblement
ce murmure du temps
qui inlassablement
nous relie à la courbe des vagues.
Confidences de l’eau ou rêves du poète ? La question amènera peut-être à pressentir que révélation et désir ne relèvent pas d’ordres fondamentalement différents : quand « on prend le risque de grandir », notre aspiration est déjà connaissance.
Silence de l’eau
parcelle de l’univers
à l’insu de lui-même
un mot se prononce
être au monde
Comme le précédent, ce livre a inspiré un spectacle mêlant poésie, photographie et musique. Explorateur et passeur, Pierre Warrant nous invite dans l’espace des espaces, « là où respirent les naissances ».
Philippe Habans
Revue Recours au Poème
Avril 2018
Confidences de l’eau, de Pierre Warrant, Ed. L’Arbres à paroles (Belgique) - 2016 - 12 euros.
Second recueil d’un jeune poète belge, né en 1963.
Une voix poétique s’élève et s’affirme dans une écriture simple et concise, dépouillée de tout emphase.
Couleurs, images et sons se mêlent, se fondent entre eux, se heurtent parfois violemment, se disloquent en lambeaux de ciel comme par temps d’orage et d’éclairs, ou se déposent sans bruit comme des mots patiemment écrits sur la page blanche.
On pourrait dire que l’ensemble de ces poèmes est en quelque sorte une ode à la mer.
La mer rassemble/ efface et nous sépare/
Elle est à la fois proche de nous lorsqu’elle s’échoue sur le sable des rivages, et lointaine parce qu’elle n’a pas de limite perceptible par le regard, car elle s’engage sans territoire.
La mer ondule scintille/ et disloque la lumière/
La mer est aussi une métaphore du temps qui passe et s’écoule dans l’écriture.
Toujours recommencée, comme le temps recommence à chaque seconde, elle est toujours identique et différente, générant un même murmure,
ce murmure du temps / qui inlassablement/ nous relie à la courbe des vagues.
Pierre Warrant sait écouter et retranscrire la force des éléments, l’air, le feu, la pierre.
Et l’eau, bien sûr, source de toute vie qui naît au monde.
Et de cette eau, parfois lustrale, parfois sombre et houleuse, jaillit également la poésie, étincelante de lumière, même fragmentée, mais essentielle dans tous les cas pour que la vie coule et perdure dans nos veines et les veines de la terre.
Silence de l’eau/ parcelle de l’univers/
à l’insu de lui-même/ un mot se prononce/
être au monde
Un recueil sensible, que l’on doit lire et relire pour s’imprégner de sa beauté.
Ce livre a obtenu le Prix Maurice Carême 2017.
Francois Teyssandier
Revue Poésie Première nr 69
Février 2018
Second recueil d’un jeune poète belge, né en 1963.
Une voix poétique s’élève et s’affirme dans une écriture simple et concise, dépouillée de tout emphase.
Couleurs, images et sons se mêlent, se fondent entre eux, se heurtent parfois violemment, se disloquent en lambeaux de ciel comme par temps d’orage et d’éclairs, ou se déposent sans bruit comme des mots patiemment écrits sur la page blanche.
On pourrait dire que l’ensemble de ces poèmes est en quelque sorte une ode à la mer.
La mer rassemble/ efface et nous sépare/
Elle est à la fois proche de nous lorsqu’elle s’échoue sur le sable des rivages, et lointaine parce qu’elle n’a pas de limite perceptible par le regard, car elle s’engage sans territoire.
La mer ondule scintille/ et disloque la lumière/
La mer est aussi une métaphore du temps qui passe et s’écoule dans l’écriture.
Toujours recommencée, comme le temps recommence à chaque seconde, elle est toujours identique et différente, générant un même murmure,
ce murmure du temps / qui inlassablement/ nous relie à la courbe des vagues.
Pierre Warrant sait écouter et retranscrire la force des éléments, l’air, le feu, la pierre.
Et l’eau, bien sûr, source de toute vie qui naît au monde.
Et de cette eau, parfois lustrale, parfois sombre et houleuse, jaillit également la poésie, étincelante de lumière, même fragmentée, mais essentielle dans tous les cas pour que la vie coule et perdure dans nos veines et les veines de la terre.
Silence de l’eau/ parcelle de l’univers/
à l’insu de lui-même/ un mot se prononce/
être au monde
Un recueil sensible, que l’on doit lire et relire pour s’imprégner de sa beauté.
Ce livre a obtenu le Prix Maurice Carême 2017.
Francois Teyssandier
Revue Poésie Première nr 69
Février 2018
Confidences de l’eau , Pierre Warrant, l’Arbre à paroles
Un beau livre de douceur, où la mer prend tous les accents et délivre un charme fou, d’enfance, de découverte.
Tissé de lyrisme, le livre toutefois ménage d’autres accents : le « on » s’impose à la vision et les contours sont suffisamment flous pour favoriser d’autres lectures, quoique la psychanalytique s’impose : la poésie intime décline ses ferveurs et « tient en vie » ce grand bonhomme qui tutoie aussi bien la mer que les hauts cols.
Livre de confidences ? Oui, si l’on le lit avec ses images : « plages de l’enfance », « ce qu’il faut de larmes et de lumière » ou « au point d’écrire ce qui déchire », mais même là, la douce écriture de ce cher Pierre l’emporte sur le sang, la peur, l’effroi.
Le futur simple aussi lui convient pour énoncer ses attentes, et le conditionnel son projet : « reconnaître/ un chemin d’eau ».
J’aime beaucoup de ces textes, le tendre effleurement comme une caresse de mots qui épèle et la langue m’est proche par ses effusions maîtrisées :
Nous ne savons pas comment répondre
aux croix posées sur les cimetières (p.33)
Au bout du soir et de la mer
le peu sera le plus (p.44)
Le poète dit bien ce qui en vibre en lui, sa quête, sa tristesse aussi « à séparer du noir de l’eau ».
Cette poésie fraternelle – sans doute comme un répons au manque – partage en nous l’eau et ses vagues, quitte à franchir « la page des falaises » ou à sentir « les étreintes suspendues/ d’un poème qui culmine ».
Un très beau deuxième recueil.
Pierre WARRANT, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70p., 12€.
Philippe Leuckx
Revue Les belles Phrases
Octobre 2016
Un beau livre de douceur, où la mer prend tous les accents et délivre un charme fou, d’enfance, de découverte.
Tissé de lyrisme, le livre toutefois ménage d’autres accents : le « on » s’impose à la vision et les contours sont suffisamment flous pour favoriser d’autres lectures, quoique la psychanalytique s’impose : la poésie intime décline ses ferveurs et « tient en vie » ce grand bonhomme qui tutoie aussi bien la mer que les hauts cols.
Livre de confidences ? Oui, si l’on le lit avec ses images : « plages de l’enfance », « ce qu’il faut de larmes et de lumière » ou « au point d’écrire ce qui déchire », mais même là, la douce écriture de ce cher Pierre l’emporte sur le sang, la peur, l’effroi.
Le futur simple aussi lui convient pour énoncer ses attentes, et le conditionnel son projet : « reconnaître/ un chemin d’eau ».
J’aime beaucoup de ces textes, le tendre effleurement comme une caresse de mots qui épèle et la langue m’est proche par ses effusions maîtrisées :
Nous ne savons pas comment répondre
aux croix posées sur les cimetières (p.33)
Au bout du soir et de la mer
le peu sera le plus (p.44)
Le poète dit bien ce qui en vibre en lui, sa quête, sa tristesse aussi « à séparer du noir de l’eau ».
Cette poésie fraternelle – sans doute comme un répons au manque – partage en nous l’eau et ses vagues, quitte à franchir « la page des falaises » ou à sentir « les étreintes suspendues/ d’un poème qui culmine ».
Un très beau deuxième recueil.
Pierre WARRANT, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70p., 12€.
Philippe Leuckx
Revue Les belles Phrases
Octobre 2016
Confidences de l’eau , Pierre Warrant, l’Arbre à paroles
Pierre Warrant nous offre un livre d’une grande intensité.
Une écriture qui nous interroge et nous amène là où l’on ne s’y attend pas, et il provoque un va et vient des mots, tel le rythme des vagues. L’eau. La mer. Les confidences. La mer avance et recule, creuse et efface le sable. L’homme aussi avance, recule, efface et recommence, avance chaque jour un peu plus dans le monde. Pierre Warrant amène son lecteur à réfléchir, à faire l’effort de se positionner dans le monde, à entretenir ce bout d’horizon, l’espoir.
La mer évoque tant. Elle balaie notre enfance en même temps que nos jeux de sable. Il y a avec elle quelque chose qui gronde, « ce tumulte / qui ne demande / aux hommes / qu’un peu de calme ». Beaucoup de sentiments transportés par la mer, comme la peur, la tristesse et l’angoisse. La mer évoque tant l’émerveillement que d’autres facettes : « la mer chante et réchauffe ». Dans ce texte, beaucoup de fraternité, quelque chose qui rassemble par l’écriture. Comme celui de l’eau, le mouvement d’écrire de Pierre Warrant relie et nous relie.
Pourtant, si cela se construit, c’est pour se déconstruire ensuite, et dans un même poème. Si la première partie du recueil est écrite sur un ton apaisé, la suite est plus douloureuse avec la mer représentée comme miroir du monde tel que nous le connaissons aujourd’hui : « la mer dans son vacarme / ruisselle jusqu’à nos larmes ». Ce monde dans lequel chacun ferme les yeux. L’eau, symbole de pureté présente ici une ambiguïté : elle « va / avance et se retire ».
La mer réveille ici la conscience. Le monde souffre et est beau pourtant. Peut-être est-il possible de nous rassembler, malgré ce vacillement possible et la peur des marins.
Devant la mer et le ciel
je vois des bleus distincts
des lambeaux d’horizon
de quoi aimer
le bruit du vent et de la plume
et ce rapport de l’un vers l’autre
que l’on nomme écriture
vagues et bateaux la traversent
accostent et s’y plaisent
le reste s’efface eau sel et sang.
Cécile Guivarch
Revue Terre à Ciel
Janvier 2017
Pierre Warrant nous offre un livre d’une grande intensité.
Une écriture qui nous interroge et nous amène là où l’on ne s’y attend pas, et il provoque un va et vient des mots, tel le rythme des vagues. L’eau. La mer. Les confidences. La mer avance et recule, creuse et efface le sable. L’homme aussi avance, recule, efface et recommence, avance chaque jour un peu plus dans le monde. Pierre Warrant amène son lecteur à réfléchir, à faire l’effort de se positionner dans le monde, à entretenir ce bout d’horizon, l’espoir.
La mer évoque tant. Elle balaie notre enfance en même temps que nos jeux de sable. Il y a avec elle quelque chose qui gronde, « ce tumulte / qui ne demande / aux hommes / qu’un peu de calme ». Beaucoup de sentiments transportés par la mer, comme la peur, la tristesse et l’angoisse. La mer évoque tant l’émerveillement que d’autres facettes : « la mer chante et réchauffe ». Dans ce texte, beaucoup de fraternité, quelque chose qui rassemble par l’écriture. Comme celui de l’eau, le mouvement d’écrire de Pierre Warrant relie et nous relie.
Pourtant, si cela se construit, c’est pour se déconstruire ensuite, et dans un même poème. Si la première partie du recueil est écrite sur un ton apaisé, la suite est plus douloureuse avec la mer représentée comme miroir du monde tel que nous le connaissons aujourd’hui : « la mer dans son vacarme / ruisselle jusqu’à nos larmes ». Ce monde dans lequel chacun ferme les yeux. L’eau, symbole de pureté présente ici une ambiguïté : elle « va / avance et se retire ».
La mer réveille ici la conscience. Le monde souffre et est beau pourtant. Peut-être est-il possible de nous rassembler, malgré ce vacillement possible et la peur des marins.
Devant la mer et le ciel
je vois des bleus distincts
des lambeaux d’horizon
de quoi aimer
le bruit du vent et de la plume
et ce rapport de l’un vers l’autre
que l’on nomme écriture
vagues et bateaux la traversent
accostent et s’y plaisent
le reste s’efface eau sel et sang.
Cécile Guivarch
Revue Terre à Ciel
Janvier 2017
Où l’on balbutie comme on peut la langue des nuages
Pierre WARRANT, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12 € ISBN : 978-2-87406-642-9
Pierre Warrant ? Qui est Pierre Warrant ? Un lascar qui aime les fuites, je dirais. Les échappées belles hors des villes. Loin du tumulte. Du bruit de fond lancinant que sont, généralement, nos langues quotidiennes. Si racoleuses. Pétillantes. Séduisantes parfois. Si légères. Bondissant sans cesse d’un sujet à l’autre. Altitudes, son premier recueil, nous avait déjà mis la puce à l’oreille comme on dit : Pierre Warrant y tentait de saisir une expérience quasi indicible, celle qui, littéralement, nous prend aux tripes quand on se frotte aux neiges, aux vents, au froid, à 8000 mètres d’altitude, dans les montagnes de l’Himalaya.
Avec Confidences de l’eau, Pierre Warrant nous revient au ras des pâquerettes, si je puis dire. À hauteur de mer en tout cas. Avec toujours la même recherche. La même obsession. Parvenir, vaille que vaille, à mettre en mots une expérience « essentielle ». Primaire. Arriver à dire, comme il peut, nos rapports élémentaires avec l’eau, la pluie, le vent, les nuages.
Et, comme dans Altitudes, Pierre Warrant parvient ici encore à relever ce défi pas très simple à relever ! Son « truc » ? Tout d’abord, se mettre à l’écoute. Écouter ce qui dans le paysage persiste, insiste. Le bleu de la mer. Les voiles. Le vent. Le sable. S’efforcer, ensuite – ou en même temps –, à « entendre » le langage des falaises, celui des vagues. Tenter, ensuite – on en même temps –, de « traduire » ces langues en mots. De capter ainsi, comme il peut, ce que les langues des nuages et des lames nous confient à force de les côtoyer, à force – j’imagine – de se planter devant le paysage, à force d’observer la mer, les eaux, vives ou tombant du ciel.
J’imagine que tout cela nécessite de la patience, une disponibilité d’esprit, un certain « oubli de soi ».
Le but de tout cela ? Pas faire joli, on s’en doute. Pas besoin, en effet, pour épater la galerie, d’apprendre ces langues-là, si simples, si proches et si lointaines à la fois. Faire l’expérience plutôt, toujours à refaire, obstinément à refaire, de ce que ces langues cachent et qu’on voudrait nommer. Sentir, entendre, ainsi, fût-ce un peu, ce qui, peut-être, se tiendrait derrière. Ce qui serait, peut-être, à l’origine, à la naissance.
Ne plus considérer, pour ce faire, les éléments, les couleurs, les souffles d’air, comme des choses mais comme des êtres vivants. Dire, dans la plus simple des langues, leurs actions. Comment ils agissent les uns sur les autres. Comment ils agissent sur nous, pour peu que nous prenions la peine de les voir pour ce qu’ils sont : des frères, des sœurs, des semblables à nous-mêmes.
On ne se ferme à rien
on quitte seulement
le cercle
on creuse
la plainte des falaises
et les bonheurs brisés
on tend l’oreille au vent
la mer dans son vacarme
ruisselle jusqu’à nos larmes
la douleur tombe et nous pétrit
la voile libère des mots
une vie contre la vague
s’écroule nue
plus rien ne nous sépare.
Il y a, chez Pierre Warrant, quelque chose d’un vieux sage. Vieux mystique. Vieil amoureux du ciel. Pour qui écrire et contempler ont ceci en commun : nous donner un peu accès, à nous, pauvres humains, qui tentons d’exister, aux sons du ciel. Pas d’autre raison à s’obstiner à regarder le paysage. Nous réparer ainsi
du temps rugueux
des mots rassis
des phrases vides
Raconter ainsi dans des chants les histoires d’une main qui déplie / les restes de la lumière. S’approcher ainsi de ce qui est / ici maintenant.
lune vague tempête
Mieux entendre ainsi, enfin, à force de tendre l’oreille à ce que disent nos frères, nos sœurs « élémentaires », ce que depuis toujours
nous cherchons.
Apercevoir
la transparence
de ce qui vibre
de ce qui est
se rapprocher
au centre
du noyau
de l’essence
être
à ce qui advient
au monde
et à soi-même.
Bien sûr, il y a dix mille autres raisons d’écrire des poèmes. Dix mille autres raisons d’en lire. La force de Pierre Warrant est, en deux recueils à peine, d’être parfaitement au clair sur les raisons qui le pousse, lui, à en lire et à en faire.
Vincent Tholomé
Revue Les Carnets et les instants
Novembre 2016
Pierre WARRANT, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12 € ISBN : 978-2-87406-642-9
Pierre Warrant ? Qui est Pierre Warrant ? Un lascar qui aime les fuites, je dirais. Les échappées belles hors des villes. Loin du tumulte. Du bruit de fond lancinant que sont, généralement, nos langues quotidiennes. Si racoleuses. Pétillantes. Séduisantes parfois. Si légères. Bondissant sans cesse d’un sujet à l’autre. Altitudes, son premier recueil, nous avait déjà mis la puce à l’oreille comme on dit : Pierre Warrant y tentait de saisir une expérience quasi indicible, celle qui, littéralement, nous prend aux tripes quand on se frotte aux neiges, aux vents, au froid, à 8000 mètres d’altitude, dans les montagnes de l’Himalaya.
Avec Confidences de l’eau, Pierre Warrant nous revient au ras des pâquerettes, si je puis dire. À hauteur de mer en tout cas. Avec toujours la même recherche. La même obsession. Parvenir, vaille que vaille, à mettre en mots une expérience « essentielle ». Primaire. Arriver à dire, comme il peut, nos rapports élémentaires avec l’eau, la pluie, le vent, les nuages.
Et, comme dans Altitudes, Pierre Warrant parvient ici encore à relever ce défi pas très simple à relever ! Son « truc » ? Tout d’abord, se mettre à l’écoute. Écouter ce qui dans le paysage persiste, insiste. Le bleu de la mer. Les voiles. Le vent. Le sable. S’efforcer, ensuite – ou en même temps –, à « entendre » le langage des falaises, celui des vagues. Tenter, ensuite – on en même temps –, de « traduire » ces langues en mots. De capter ainsi, comme il peut, ce que les langues des nuages et des lames nous confient à force de les côtoyer, à force – j’imagine – de se planter devant le paysage, à force d’observer la mer, les eaux, vives ou tombant du ciel.
J’imagine que tout cela nécessite de la patience, une disponibilité d’esprit, un certain « oubli de soi ».
Le but de tout cela ? Pas faire joli, on s’en doute. Pas besoin, en effet, pour épater la galerie, d’apprendre ces langues-là, si simples, si proches et si lointaines à la fois. Faire l’expérience plutôt, toujours à refaire, obstinément à refaire, de ce que ces langues cachent et qu’on voudrait nommer. Sentir, entendre, ainsi, fût-ce un peu, ce qui, peut-être, se tiendrait derrière. Ce qui serait, peut-être, à l’origine, à la naissance.
Ne plus considérer, pour ce faire, les éléments, les couleurs, les souffles d’air, comme des choses mais comme des êtres vivants. Dire, dans la plus simple des langues, leurs actions. Comment ils agissent les uns sur les autres. Comment ils agissent sur nous, pour peu que nous prenions la peine de les voir pour ce qu’ils sont : des frères, des sœurs, des semblables à nous-mêmes.
On ne se ferme à rien
on quitte seulement
le cercle
on creuse
la plainte des falaises
et les bonheurs brisés
on tend l’oreille au vent
la mer dans son vacarme
ruisselle jusqu’à nos larmes
la douleur tombe et nous pétrit
la voile libère des mots
une vie contre la vague
s’écroule nue
plus rien ne nous sépare.
Il y a, chez Pierre Warrant, quelque chose d’un vieux sage. Vieux mystique. Vieil amoureux du ciel. Pour qui écrire et contempler ont ceci en commun : nous donner un peu accès, à nous, pauvres humains, qui tentons d’exister, aux sons du ciel. Pas d’autre raison à s’obstiner à regarder le paysage. Nous réparer ainsi
du temps rugueux
des mots rassis
des phrases vides
Raconter ainsi dans des chants les histoires d’une main qui déplie / les restes de la lumière. S’approcher ainsi de ce qui est / ici maintenant.
lune vague tempête
Mieux entendre ainsi, enfin, à force de tendre l’oreille à ce que disent nos frères, nos sœurs « élémentaires », ce que depuis toujours
nous cherchons.
Apercevoir
la transparence
de ce qui vibre
de ce qui est
se rapprocher
au centre
du noyau
de l’essence
être
à ce qui advient
au monde
et à soi-même.
Bien sûr, il y a dix mille autres raisons d’écrire des poèmes. Dix mille autres raisons d’en lire. La force de Pierre Warrant est, en deux recueils à peine, d’être parfaitement au clair sur les raisons qui le pousse, lui, à en lire et à en faire.
Vincent Tholomé
Revue Les Carnets et les instants
Novembre 2016
Confidences de l’eau , Pierre Warrant, l’Arbre à paroles
de la mer
on ne peut rien dire
on la rejoint parfois
au cerf-volant des mots
en s'approchant de qui se tait
et brise la dernière phrase
on creuse en elle
le sable qui l'efface
le large qu'elle espère
le pur élan qui nous arrache
et nous construit.
Dans Confidences de l'eau, Pierre Warrant envisage la mer comme un lieu d'éveil de la conscience et d'écoute du monde. Remettant en question le caractère définitif de la réalité, il nous invite, sans crier gare, à rejoindre l'image d'une transe pressée de vivre dans un pays où les chemins s'effacent. Au détour de chaque page, il prend plaisir à nous faire découvrir que le monde dans sa forme donnée n'est pas le seul possible. On est ici en présence d'une poésie proche de ce qu'on peut attendre de la vie, ce mouvement interne sans comparaison, ce message qui intrigue et nous prolonge dans tous les sens et à tous les temps; on est ici en présence d'une poésie symbolisant le mode d'échange et de transformation de tout ce qui existe; d'une poésie évoquant la conquête d'un meilleur rapport à soi-même et au monde. Avec Confidences de l'eau, Pierre Warrant replace l'écriture sur la base des sens et des lois de la nature pour nous faire basculer dans la joie d'une vie où crépite l'impatience d'aimer.
Pierre Warrant est né en 1963. Poète et photographe, son premier recueil, Altitudes (éd. Tétras Lyre, 2013), a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Confidences de l'eau est son deuxième recueil.
Octobre 2016
de la mer
on ne peut rien dire
on la rejoint parfois
au cerf-volant des mots
en s'approchant de qui se tait
et brise la dernière phrase
on creuse en elle
le sable qui l'efface
le large qu'elle espère
le pur élan qui nous arrache
et nous construit.
Dans Confidences de l'eau, Pierre Warrant envisage la mer comme un lieu d'éveil de la conscience et d'écoute du monde. Remettant en question le caractère définitif de la réalité, il nous invite, sans crier gare, à rejoindre l'image d'une transe pressée de vivre dans un pays où les chemins s'effacent. Au détour de chaque page, il prend plaisir à nous faire découvrir que le monde dans sa forme donnée n'est pas le seul possible. On est ici en présence d'une poésie proche de ce qu'on peut attendre de la vie, ce mouvement interne sans comparaison, ce message qui intrigue et nous prolonge dans tous les sens et à tous les temps; on est ici en présence d'une poésie symbolisant le mode d'échange et de transformation de tout ce qui existe; d'une poésie évoquant la conquête d'un meilleur rapport à soi-même et au monde. Avec Confidences de l'eau, Pierre Warrant replace l'écriture sur la base des sens et des lois de la nature pour nous faire basculer dans la joie d'une vie où crépite l'impatience d'aimer.
Pierre Warrant est né en 1963. Poète et photographe, son premier recueil, Altitudes (éd. Tétras Lyre, 2013), a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Confidences de l'eau est son deuxième recueil.
Octobre 2016